Pour envisager le développement de la Coopération Régionale de la Martinique, il est nécessaire de fixer des objectifs géographiques. Si, à terme, l'ensemble de la Caraïbe est amené à devenir un terrain d'activité, il importe de fixer des objectifs pour initier l'action.
Un ensemble de raison pousse à choisir Haïti et la République Dominicaine, deux pays à la fois extrêmement dissemblables, et en cela complémentaires pour accumuler d'emblée une expérience décisive, suffisamment vastes pour que l'impact de la coopération n'ait pas des répercussions immédiates sur la perception de cette coopération, et en même temps frontaliers, leurs capitales étant à quelques heures de route l'une de l'autre, ce qui limite le coûts logistiques de coordination dans la phase initiale du projet.
L'analyse suivante met l'accent sur les perspectives des volets "Droits Humain et Développement Social" et "Prospection Commerciale et Transferts Technologies". Il est bien entendu que la coopération institutionnelle ("Soutien aux Institutions et Collectivités Publiques") sera pour sa part définie par les partenariats (jumelages et autres) déjà établis par les collectivités martiniquaises, ou ceux qui viendraient à se concrétiser à l'avenir.
X.1 - Haïti, le choix de la fraternité créole
27 750 km2 / 7 Millions d’habitants environ
Statut Politique : Indépendant depuis 1804 (France)
Langues : Créole, Français
PNB : 7 100 millions de Dollars US - PNB / Habitant : 1 070 Dollars US
Plus grand pays créolophone du monde, la République d'Haïti partage avec la Martinique un héritage historique et des traits culturels qui fondent une réelle fraternité, marquée par des échanges personnels et culturels et par une intense activité économique essentiellement limitée au secteur informel.
Panorama de la situation haïtienne
Haïti est un pays rural à 65%, dont la population pratique une agriculture domestique de subsistance, sur un terroir dont la plus grande partie a été dévastée par le déboisement et l'érosion. Une agriculture rizicole prospère se développe dans les périmètres irrigués, mais reste vulnérable aux importations. L’essentiel de la paysannerie haïtienne vit de ses cultures vivrières, la carence de moyens de communication (routes insuffisantes) nuisant à l’acheminement de leur production vers les villes, où l’on constate pourtant une certaine pénurie alimentaire. L'exode constitue la seule perspective pour une jeunesse rurale consciente de la surpopulation de terroirs mal exploités et surpeuplés.
Au nombre des atouts d'Haïti, il faut compter la vitalité d'un artisanat de qualité, nourri par les talent artistiques de la population (vannerie, travail du bois, peinture…), et qui alimente l'ensemble de la Caraïbe en produits attractifs à destination des touristes. Un secteur manufacturier de sous-traitance, localisé à Port-au-Prince, tire profit de l'habileté des ouvriers et de la modicité des salaires. Le manque de fiabilité des infrastructures (télécommunications, électricité…) limite pour le moment son développement.
L’explosion démographique et la carence d’investissements publics depuis près de 40 ans fait du milieu urbain un véritable cauchemar d’inorganisation et d’insalubrité. Le chômage et le sous-emploi affectent durement la population. Le budget de l'Etat haïtien dépend à 60% de l'aide internationale.
X.1.a - Volet Coopération Economique : des potentialités réelles
Les difficultés économiques considérables d'Haïti ne doivent pas faire oublier la réalité des potentialités économiques de ce pays. En termes de marché de consommation, au sein d'une population de 7 Millions d'habitants existe une classe moyenne de plusieurs centaines de milliers de personnes, dont les standards de consommation sont proches de ceux des Martiniquais (automobile, ameublement, produits culturels). Le développement de la grande distribution, du réseau bancaire ou de celui des stations-service sont une réalité aisément observable, tout comme le boom de la construction. Il existe donc là des possibilités réelle pour la diffusion de services et de produits de haut de gamme.
En termes de productions, l'agriculture haïtienne propose des produits de qualité avec le riz de l'Artibonite, apprécié des gourmets des Etats-Unis, ou le café Haitian Blue. L'industrie agro-alimentaire (transformation du café, confitures, jus de fruits, liqueurs…) constitue un partenaire potentiel (transferts de technologie), tout comme le secteur de la sous-traitance, qui se caractérise à la fois par des coûts salariaux très bas et par une qualité de fabrication qui séduit les donneurs d'ordre états-uniens ou européens.
X.1.b - Volet Droits Humains et Développement social : Une démocratie à inventer
Face au défi que constitue l'établissement d'une société démocratique, les organisations de la société civile haïtienne ont entrepris depuis le début des années 80 un travail considérable de formation, de recherche et d'encadrement des secteurs les plus vulnérables de la population. Dans un contexte souvent difficile fait de répression brutale (1991-1994) et d'espoirs déçus, ces organisations ont réalisé un indéniable travail d'éducation civique et de structuration du corps social, même si ce dernier est constamment remis en cause par la difficulté des conditions de vie et l'instabilité politique. Elles sont aujourd'hui à la recherche des moyens de leur renforcement et de la pérennisation de leur action.
Une politique de coopération peut être réellement novatrice si elle ambitionne d'accompagner ces groupes de base (organisations de femmes, comités de quartier, coopératives agricoles ou artisanales, groupes religieux ou culturels) pour les aider à atteindre leurs objectifs d'intégration des institutions formelles et d'invention d'une indispensable démocratie de proximité.
X.2 - République Dominicaine : Un dynamisme exceptionnel
48 730 km2 / 8 millions d’habitants
Statut Politique : Indépendante depuis 1844 (Espagne, puis Haïti)
Langue : Espagnol
PNB : 38 300 millions de Dollars US - PNB / Habitant : 4 700 Dollars US
La République Dominicaine présente une économie en voie de modernisation, au dynamisme remarquable, avec une croissance économique de l'ordre de 7%, et une inflation très faible, même si l'impact de l'Ouragan Georges a été réel. qui fait un effort d'ouverture vers les investisseurs étrangers, avec pour objectif de moderniser un appareil productif largement étatisé. De nombreuses entreprises publiques dominicaines sont obsolètes et en état de faillite virtuelle, et la production d'électricité doit se développer pour permettre le décollage du secteur manufacturier. Celui-ci bénéficie depuis 1997 d'une absence de droits de douane pour l'importation des équipements de production.
La production de sucre de canne, épine dorsale de l'économie dominicaine depuis des décennies, reste une activité essentielle, reposant lourdement sur une main d’œuvre haïtienne aux conditions de travail pour le moins difficiles.
Les secteurs les plus dynamiques sont les télécommunications, le BTP, et bien entendu le tourisme, qui se développe vigoureusement, en privilégiant pour le moment les infrastructures de type all inclusive. La République Dominicaine est une des destinations les plus importantes du tourisme caribéen, avec une clientèle européenne et nord-américaine.
X.2.a - Volet Coopération Economique : une opportunité à saisir maintenant
L'ensemble des observateurs avertis s'accorde pour reconnaître en la République Dominicaine un des pays les plus prometteurs de la Caraïbe du point de vue économique, à la fois par la qualité des réalisations effectuées, et par l'ampleur des besoins en termes d'infrastructures, d'équipements et de services.
La filière canne, avantagée par le coût très faible de la main d'œuvre haïtienne, ne peut aujourd'hui faire l'économie d'une profonde modernisation des méthodes et des équipements et offre, tant en termes d'investissements que de prestations de services d'expertise, de réelles opportunités.
Le développement de secteurs comme le tourisme et les télécommunications implique également des investissements et le recours à des équipements et des expertises que la Martinique pourrait fournir (marketing, développement des prestations…). Enfin, l'élévation progressive du niveau de vie des Dominicains se traduit par l'émergence de marchés de consommation (grande distribution) sur lesquels des acteurs martiniquais se positionnent.
X.2.b - Volet Droits Humains et Développement social : Une société en pleine évolution
Bien moins médiatisée que le processus haïtien et ses difficultés, la transition démocratique dominicaine, après des décennies de régime autoritaire, est une réalité qui s'ancre progressivement dans le fonctionnement des institutions et dans les mentalités. Contribuent de manière déterminante à ce processus une floraison d'organisations civiles, qui ont pour objectif d'organiser une population fortement urbanisée, aux conditions de vie souvent difficiles. Leur travail en matière d'information et de sensibilisation sur la justice et sur les Droits Humains mérite d'être soutenu.
De même, les organisations de promotion féminine, dont l'action est essentielle pour le développement harmonieux du cops social, se caractérisent en République Dominicaine par leur dynamisme et leur volonté d'établir des contacts avec l'ensemble de la Caraïbe, avec bien entendu des relations privilégiées dans l'aire hispanophone (Cuba, Puerto Rico, Mexique…)
Les actions entreprises en faveur de la préservation du milieu naturel, qui constitue un des principaux atouts de la République dominicaine, peuvent également être citées comme un axe de travail intéressant.
X.3 - Demain : Tout un archipel à rencontrer…
Haïti et la République Dominicaine sont présentés dans ce rapport comme deux pays avec lesquels la Coopération Régionale martiniquaise pourrait initier un nouveau cycle de développement.
Bien évidemment, les solidarités déjà établies avec d'autres pays comme Cuba ou les îles des Petites Antilles, notamment les voisines que sont la Dominique et Sainte-Lucie, appellent une intensification des relations de coopération à laquelle l'Agence pourra contribuer par le développement d'équipes dans ces pays.
Plus au Sud, le dynamisme de Barbade et de Trinidad et Tobago est également un appel que l'on ne peut manquer d'entendre…
Plus largement, la constitution de véritables réseaux caribéens amène à considérer le développement de la coopération avec les organisations régionales et à leurs institutions : CARICOM, OECS, AEC, Banque Caribéenne de Développement… Les implications de ces perspectives dépassent bien entendu le cadre de la présente étude.
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