Révérend Père Denis VERDIER

Révérend Père Denis VERDIER
Mis en ligne le 4 juillet 2005.

Pè Deni est le Coordonnateur de JUSTICE ET PAIX, une organisation de
Droits Humains de l’Eglise Catholique, pour le diocèse des Cayes, en
Haïti.
J’ai fait sa connaissance en 1998 lors d’Ateliers de Formation à la
Gestion des conflits que j’animais à Arniquet, en tant que volontaire
des Brigades de Paix Internationales. Je l’ai revu en 1999 et j’en ai
profité pour l’interviewer.
Un entretien paru dans le magazine "Eglise en Martinique" fin 1999.



Les Cayes, HAÏTI - 10 Octobre 1999

- Merci d’accepter de nous accorder cet entretien. Je vais d’abord vous
demander de vous présenter personnellement.

Je m’appelle, comme vous venez de le dire, Denis Verdier. Je suis né en
1934, dans la paroisse de Saint-Jean du Sud [NDLA : à quelques dizaines
de kilomètres des Cayes]. Je suis l’aîné d’un famille de trois enfants,
d’origine paysanne. Je me présente d’ailleurs toujours comme paysan,
fils de paysan et petit-fils de paysan. J’ai été ordonné prêtre en 1959.
Comme prêtre, j’ai travaillé un peu partout dans le diocèse des Cayes,
et je peux dire que je le connais pratiquement en entier. J’ai d’abord
travaillé dans le ministère paroissial, comme vicaire, puis j’ai donné
aussi un petit coup de main, à un moment donné, au Séminaire, comme
formateur. Depuis 1995, j’ai la responsabilité de la Commission
Diocésaine JUSTICE ET PAIX.



- La commission JUSTICE ET PAIX, qu’est-ce que c’est, exactement ?

JUSTICE ET PAIX est une instance de l’Eglise Catholique, issue du
Concile Vatican II, et plus particulièrement de la constitution
"Cardioma et spes", Joie et espoir. L’introduction de cette constitution
est dans toutes les mémoires, et elle exprime que les angoisses, les
espoirs et les joies des hommes de ce temps sont aussi les espoirs, les
angoisses et les joies de l’Eglise. JUSTICE ET PAIX a été créé en 1967,
je crois, par le Pape Paul VI, et peu de temps après, nous avons eu en
Haïti les premières commissions diocésaines. La première a été celle de
Port-au-Prince, puis d’autres ont suivi. La Commission du diocèse des
Cayes n’a commencé que récemment, en 1995, mais ce n’est pas la plus
récente. Après elle, il y a eu celle du diocèse de Jacmel, dans le
Sud-Est d’Haïti.



- Comment peut-on définir le rôle de la Commission JUSTICE ET PAIX des
Cayes ?

Comme son nom l’indique, JUSTICE ET PAIX travaille pour la promotion et
la défense des Droits Humains dans le diocèse. Il y a tout d’abord un
travail d’animation. Nous essayons de former dans chaque paroisse une
Commission Justice et Paix, jouant un rôle de relais de la commission
diocésaine. Donc nous animons et encadrons ces commissions paroissiales,
mais en même temps, et c’est une originalité de la Commission JUSTICE ET
PAIX des Cayes, nous travaillons aussi beaucoup avec les organisations
de base, avec des activités de formation. Nous n’avons pas de programme
prédéfini à leur offrir. Ce sont les organisations elles-mêmes qui
s’adressent à JUSTICE ET PAIX et qui demandent une session de formation
sur un sujet déterminé. Donc le thème est défini par les organisations
elles-mêmes, et à ce moment-là nous essayons de satisfaire leur demande.



- Une démarche très participative...

Oui. Cela permet que des relations se créent entre ces organisations de
base et la commission Justice et Paix du diocèse. Il y a donc un
enrichissement mutuel. Donc il y a ce premier aspect de notre travail,
l’animation des commissions paroissiales, l’organisation de sessions de
formation en éducation civique, tout un travail pour favoriser le
progrès des organisations de base, mais en même temps ... L’aspect
"Justice" est important pour nous, mais il y a également l’autre volet,
la Paix, la paix dans les familles, la paix dans les communautés. C’est
important pour nous aussi. Nous essayons de promouvoir la gestion
participative des conflits avec le concours par exemple d’une ONG
internationale comme les Brigades Internationales de Paix, pour apporter
des solutions pacifiques, pour négocier des conflits qui peuvent se
présenter au sein des communautés, en utilisant des techniques que nous
avons pu acquérir et développer avec les Brigades de Paix
Internationales.



- Vous avez donc des activités de formation très importantes

Des activités de formation et de suivi. Nous travaillons aussi avec
d’autres organismes du même genre. Par exemple nous travaillons avec
COD-HP. Il s’agit d’un organisme inter-ONG dont le rôle est d’effectuer
des visites dans les prisons. Mais il ne s’agit pas d’apporter une aide
quelconque, une aide matérielle. Il s’agit de voir si les droits des
prisonniers sont respectés. Après chaque visite, nous faisons un rapport
aux autorités pénitenciaires et à la justice. Avec COD-HP, nous
organisons des visites dans les prisons, ainsi que dans les centres de
garde à vue. La commission diocésaine JUSTICE ET PAIX des Cayes
coordonne également le réseau de la Plateforme des Organismes Haitiens
de Droits Humains, pour précisément observer les violations éventuelles
de droits humains dans les tribunaux, ou bien dans les prisons, dans les
postes de police.



- A travers ce travail de JUSTICE ET PAIX, quelles problématiques
percevez-vous en matière de Droits Humains, dans le diocèse des Cayes ?

Nous travaillons dans le milieu, en essayant de faire face à tous les
problèmes qui se présentent. Nous n’avons pas à faire un choix, et nous
répondons dans la mesure de nos moyens, de nos possibilités, en
apportant des réponses à notre niveau aux problèmes qui se présentent.
La semaine dernière, par exemple, il y a eu la grève du personnel
hospitalier, plus particulièrement des infirmières et des
aides-soignantes. Nous avons tout d’abord observé et reconnu la
légitimité de la grève, même si le Ministère de la Santé avait une autre
perspective, une autre approche. J’ai trouvé personnellement que les
revendications du personnel étaient justes, et nous les avons appuyés
dans ce sens, mais en même temps, nous avons fait valoir le droit des
patients et demandé avec insistance que tout en revendiquant leurs
droits, les infirmières puissent avoir un regard et une réelle
sensibilité par rapport aux malades, aux patients qui peuvent se
présenter à l’Hôpital des Cayes. Je leur ai donc demandé, j’ai insisté
pour qu’elles établissent une cellule d’urgence, pour pouvoir accueillir
les malades qui peuvent se présenter. Donc nous sommes présents sur tous
les fronts, chaque fois que les Droits Humains sont en cause, nous
essayons d’intervenir.



- Peut-on parler d’un rôle de témoignage, ou plutôt d’un rôle de
médiation ?

Nous sommes là sur le terrain et ... témoignage, médiation, nous faisons
face au problème quel qu’il soit, en essayant de nous impliquer, de nous
"mouiller" !



- L’Eglise haïtienne est de longue date engagée en faveur du
développement économique et social de ce pays. Peut-on dire que JUSTICE
ET PAIX a, au sein de l’Eglise haïtienne, une position particulière sur
cette problématique ?

Nous avons parlé des Droits Humains. JUSTICE ET PAIX a pour objectif la
promotion et la défense des Droits Humains. Très souvent, en parlant de
Droits Humains, on pense aux droits politiques. Mais les droits
économiques sont également importants. Il y a des droits économiques,
des droits culturels... JUSTICE ET PAIX ne peut pas ne pas s’intéresser
à ces droits économiques. Précisément, quelqu’un qui a faim, quelqu’un
qui n’a pas où se loger, quelqu’un qui ne peut pas se soigner, voit ses
droits violés, et JUSTICE ET PAIX se sent concerné. Cela dit, JUSTICE ET
PAIX n’est pas un organisme de financement de projets. Dans ce domaine,
nous travaillons de concert avec la commission CARITAS* diocésaine.
JUSTICE ET PAIX et CARITAS sont deux organismes d’église issus tous les
deux du Concile Vatican II. Nous travaillons plus particulièrement sur
la promotion de la justice, et eux s’engagent dans la voie du
développement. Donc nous travaillons de concert et l’entente est
parfaite.



- Père Denis, avez-vous connu, au cours de votre longue carrière, des
Martiniquais ou des Guadeloupéens ? Au sein de l’Eglise catholique ou
dans d’autres circonstances ?

Oui ! J’ai connu Georges PAROUTA, au grand séminaire de Port-au-Prince.
Il doit être prêtre maintenant en Martinique. Il a passé quelques années
à Port-au-Prince et je l’ai connu là. Il y a également Monseigneur
MARIE-SAINTE, l’évêque de la Martinique. Il a fait plusieurs voyages en
Haïti, et je l’ai rencontré.



- Auriez un message pour les catholiques martiniquais, et pour tous
les Martiniquais plus généralement ?

Il y a beaucoup de points communs entre nos pays. Par exemple, quand on
étudie l’histoire de l’église d’Haïti... il y a le Père LABAT. Quel
Martiniquais ignore l’action du Père LABAT ? Nous avons une histoire
commune, histoire de la colonisation tout d’abord ... Les deux
histoires, l’histoire de l’église de Martinique et l’histoire de
l’église d’Haïti se rencontrent sur plus d’un point. En vous parlant du
Père LABAT, justement, le supérieur de la mission dominicaine résidait
en Martinique, et venait régulièrement ici, en Haïti. Donc il y a eu,
dans le passé, des relations, des rapports historiques indéniables.
Faisant partie de la Caraïbe, aujourd’hui, nous sommes une entité tout à
fait particulière dans les Amériques. Il y a l’Amérique du Nord,
l’Amérique du Sud et les Caraïbes. Donc le Bassin des Caraïbes constitue
une entité tout à fait à part, et de ce point de vue, la Martinique, la
Guadeloupe et Haïti, de langue française, ont beaucoup de choses qui les
rapprochent.



- Je vous remercie Père Denis VERDIER.

CARITAS est le pendant "économique" de JUSTICE ET PAIX.
Le Père VERDIER fut Directeur du bureau régional de CARITAS aux Cayes
dans les années 1990, et fut inquiété par les militaires durant la
période du régime de facto (1991-1994).

© Bwabrilé, 4 juillet 2005.

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