LA BATAILLE D'ADWA (1896)
Mis en ligne le 6 juillet 2005.
Les adversaires en place
Au matin du premier Mars 1896, les 100 000 fantassins de l'Empereur
MENELIK II, basés dans la ville d'Adoua, lancent l'assaut contre les
troupes italiennes du Général BARATIERI, gouverneur de l'Erythrée, qui a
avancé sur la ville pendant le nuit. Depuis deux semaines, les deux
camps sont face à face, séparés par un vingtaine de kilomètres et le
paysage accidenté de la région servira de cadre à un affrontement lors
de conséquences politiques.
Du point de vue stratégique, l'avancée de BARATIERI vers le Sud, à la
mi-février, a été la première erreur du camp italien. En quittant ses
positions en Erythrée, une région occupée depuis 1885 et dont la
frontière a été fortifiée, BARATIERI ne fait que suivre les ordres du
Premier Ministre CRISPI, qui espère qu'un succès facile en terre
africaine le renforcera politiquement à Rome.
MENELIK II, roi amhara du Shoa, proclamé Empereur d'Ethiopie en 1889, a
décrété la mobilisation générale en Septembre 1895 face aux bruits de
bottes et incursions italiennes. Il peine cependant à maintenir son
autorité sur ses vassaux, les intrigues l'ayant lui-même amené à sa
position impériale. En s'installant avec son épouse Taytu à Adoua,
principale ville commerciale du Nord de l'Ethiopie, MENELIK a posé un
verrou bloquant la progression italienne. Il déclare d'ailleurs : « Je
n'enverrai pas mon armée à la bataille tant que je ne verrai pas
l'ennemi dans mon propre camp. »
Au matin du premier Mars, l'avancée des troupes italiennes (11 000
fantassins et 7000 supplétifs érythréens, les Ascaris) est une bonne
nouvelle. Les italiens ont commencé à avancer en pleine nuit, à
l'aveuglette, dans un terrain très accidenté, leur désorientation
accentuée par les fausses informations diffusées par les agents de
MENELIK II. Au lever du jour, le désordre du dispositif italien est
évident.
Paysage de la région d'Adoua - 52.7 ko
Paysage de la région d'Adoua
(source : Boston University, www.bu.edu)
La principale erreur des Italiens est d'avoir sous-estimé les troupes
éthiopiennes, qui sont équipées de façon relativement moderne de fusils
achetés notamment aux Français (Arthur RIMBAUD trempe dans le trafic
d'armes en Ethiopie dans les années 1880). Taillant en pièce la brigade
la plus isolée, l'armée éthiopienne submerge les autres unités, appuyée
par la quarantaine de canons en sa possession. A midi, BARATIERI ordonne
la retraite, laissant sur le terrain 6000 morts et 2000 prisonniers.
Cavalier Ethiopien - 1896 - 12.4 ko
Cavalier Ethiopien - 1896
(Source : www.ambafrance-ethiopie.org)
Les conséquences de la bataille d'Adoua
Fin stratège, MENELIK renonce à poursuivre les Italiens pour les rejeter
hors des hauts plateaux ou même les rejeter à la mer à Asmara. Son
armée, qui a perdu 7000 hommes pendant la bataille, est déjà affaiblie,
et le terrain érythréen ne permettra pas de la nourrir. L'Empereur et
son armée prendra d'ailleurs deux mois pour regagner la capitale.
Du côté italien, le désastre d'Adoua est un choc national. Les opposants
au Premier Ministre CRISPI descendent dans les rues aux cris de « Viva
MENELIK » et réclament bien sûr la démission de l'aventurier. Il faudra
attendre près de quarante pour que les Italiens reviennent prendre leur
revanche en Ethiopie, en 1936, armés d'avions et de gaz de combat. Le
Négus Hailé Selassié, allié aux Britanniques basés au Soudan et au
Somaliland, prendra cinq ans pour reprendre le controle du pays.
La victoire militaire d'Adoua fut par la suite transformée en victoire
diplomatique. Le traité de 1889 accordant l'Erythrée a l'Italie et qui
établissait, selon les Italiens, un protectorat sur l'Ethiopie (MENELIK
ne reconnaissait que la version en langue amharique, moins catégorique)
fut abrogé en 1896, l'Italie reconnait la souveraineté Ethiopienne.
MENELIK privilégia ses relations avec la France (l'Ethiopie a établi des
relations diplomatiques avec la France dès le dix-septième siècle), un
ambassadeur étant nommé à Harrar en 1897. Le médecin personnel de
l'Empereur était d'ailleurs un Guadeloupéen, le Docteur Joseph VITALIEN.
MENELIK s'accommoda par la suite des menées européennes dans la région.
Il ne voulut froisser ni les Français, qui voulaient relier Dakar a
Djibouti (enclave accordée par MENELIK) ni les Britanniques, qui
voulaient relier le Cap au Caire, et avaient rencontré une forte
résistance au Soudan (à Khartoum, les troupes britanniques furent
battues par les Mahdistes en 1885, ce qui n'a pas empêché la
colonisation du pays).
La position renforcée de MENELIK permet la mise au pas des seigneurs
féodaux, et une poussée conquérante vers le Sud. L'amharique est encore
aujourd'hui la langue officielle de l'Ethiopie.
Statue de MENELIK - 34.8 ko
Statue de MENELIK
(Source : www.etiopiamagica.it)
Bien avant la bataille navale de Tsushima (1905) au cours de laquelle la
Flotte impériale japonaise anéantit la flotte russe, première victoire
"officielle" d'un peuple non-européen sur une armée européenne, Adoua a
montré que le sort des batailles ne dépend pas des supériorités
présupposées des Occidentaux.
Certains commentateurs voient dans la bataille d'Adoua, à la fin de la
période de colonisation de l'Afrique par les puissances européennes
(France, Royaume Uni, Belgique, Allemagne), un signe précurseur de la
libération du continent africain.
© Bwabrilé, 6 juillet 2005.
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