Joséphine BAKER
Mis en ligne le 31 juillet 2005.
"J'ai deux Amours..." chante-t-elle pour l'éternité au rythme surranné
d'un disque de bakélite à étiquette rouge.
Et pourquoi deux seulement ? Mariée cinq fois, mère adoptive de douze
enfants venus du monde entier, danseuse, chanteuse, actrice, meneuse de
revue, amante aux goûts éclectiques, Joséphine BAKER eut en elle assez
de passion pour embraser deux villes de Lumière, Paris et New York, et
assez d'amour et de talent pour renverser les barrières des préjugés
raciaux.
Une enfance dans le "Sud profond"
De son vrai nom Freda Joséphine CARSON, née en 1906 à Saint-Louis
(Missouri), Joséphine BAKER (son nom de scène est celui de son second
époux, Willie BAKER) connut les débuts difficiles qui font le socle des
légendes.
En 1917, les émeutes raciales de Saint-Louis frappèrent la comunauté
afro-américaine et firent 40 morts. Les ouvriers Blancs n'avaient pas
supporté que des Noirs soient employé dans une usine participant à
l'effort de guerre des Etats-Unis.
Quittant sa famille à treize ans pour devenir serveuse, la jeune
Joséphine se joignit quelques années plus tard à une troupe de jeunes
artistes, le Jones Family Band, puis devient habilleuse des Dixie
Steppers, une troupe de cabaret. Tout en s'occupant des costumes, la
jeune Joséphine apprit les danses folkloriques de Caroline du Sud. Cette
région des Etats-Unis est encore caractérisée pa une forte survivance
africaine, notamment avec la culture Gullah, dont les danses ont pénétré
les arts de la scène et le cabaret, aux côté d'autres influences
africaines venues de la Nouvelle-Orléans et de Louisiane (cake walk,
claquettes, etc.)
L'éclosion dún talent scénique
En montant sur scène pour remplacer l'un ou l'autre des danseuses de la
troupe, Joséphine BAKER rajoutait à ses numéros les mimiques comiques
qui firent plus tard sa renommée, provoquant la colère de ses camarades
de troupe, mais aussi le rire et les applaudissements du public.
C'est en arrivant à New York, à l'âge de 18 ans, que Joséphine BAKER
commença réellement sa carrière sur la scène du "Plantation Club".
En France à la même période, les Années Folles oubliaient les horreurs
de la Première Guerre mondiale en swinguant sur les airs du Jazz
introduit par l'orchestre des Harlem Hellfighters. Intégrant la troupe
de la Revue Nègre, Joséphine BAKER prit le public français par surprise
le 2 Octobre 1925 au Théâtre des Champs Elysées.
Le premier sex symbol français
Même les éditoriaux racistes, stigmatisant ce qu'ils voyaient comme une
propagande pour la mixité raciale, ne purent nier l'évidence de la
fascination et du désir que faisaient naître la jeune danseuse, qui se
produisait sur scène vêtue de sa fameuse ceinture de bananes, mêlant le
rire et la provocation sexuelle.
La France venait de découvrir son premier sex symbol, Joséphine BAKER
devenant, dès 1927, une des femmes les plus photographiées du monde.
Couverte de cadeaux et de propositions de mariage par des admirateurs
transis, Joséphine BAKER préserva farouchement son indépendance,
possédant à un moment donné un guépard (et non une panthère) nommé
Chiquita et de nombreux autres animaux exotiques.
En 1931, la chanson "J'ai Deux Amours", dont les paroles donnaient dans
l'exotisme facile, fut un succès instantané. Il est vrai que
l'Exposition Coloniale battait son plein au Bois de Vincennes. En jouant
les ingénues exotiques, La jeune Joséphine ravissait le public français
en évoquant une "indigène" de ces contrés lointaines et torrides,
amoureuse de la France et de son raffinement. En interprétant une
improbable et spectaculaire "Créole" (son prénom d'origine française la
rapprochait de l'Impératrice du même nom), Joséphine BAKER jouait de
tous les registres de la "tropicalité", sa sensualité et sa quasi-nudité
sur scène devenant de ce fait acceptables, sa fameuse ceinture de banane
couronnant le tout.
"Le Tumulte Noir"
Un des plus célèbre portrait
de Joséphine BAKER
Joséphine, la star
Jouant avec les codes de la société qui lui accordait son phénoménal
succès, Joséphine BAKER sut par la suite se réinventer intelligemment,
lors de son "mariage pour-de-faux" avec Giuseppe Pepito ABATINO, un
play-boy sicilien se faisant passer pour un aristocrate (il était en
fait maçon). En utilisant avec un art consommé les médias fraçais qui
découvraient alors le star system, elle fit émerger un nouveau
personnage de femme urbaine, sophistiquée et en pleine maîtrise de sa
destinée.
Une femme urbaine et sophistiquée - 10.9 ko
Une femme urbaine et sophistiquée
Star adulée en Europe, où ses tournées se jouaient à guichet fermés,
Joséphine BAKER tenta un retour sur la scène New Yorkaise des ZIEGFIELD
FOLLIES en 1936. Etrillée par la critique (les artistes afro-américains,
à l'époque, n'avaient pas droit de cité), elle retourna en France et
acquit la nationalité française en 1937, en épousant Jean LION, un
industriel ayant fait fortune dans le secteur du sucre.
La guerre d'une femme
Joséphine BAKER participa à la Seconde Guerre Mondiale avec toute la
ferveur de son nouveau patriotisme. Soutenant le moral des troupes sur
la Ligne MAGINOT avec Maurice CHEVALIER, elle glana quelques
renseignements pour le renseignement militaire, ayant été recrutée par
le Deuxième Bureau du Renseignement Militaire et étant encadrée par le
Capitaine ABTEY.
Après le début de l'Occupation, ABTEY, en liaison avec les gaullistes de
Londres, se fit passer pour l'assistant de Joséphine BAKER, dont les
tournées internationales lui permettait de faire passer à travers les
frontières des messages dissimulés dans les partitions de ses spectacles
musicaux. Les Nazis, conscients de sa popularité, n'osèrent jamais
l'inquiéter (l'histoire selon laquelle elle survécut à une tentative
d'empoisonnement en s'échappant du chalet d'un officier allemand l'ayant
invitée à dîner est difficile à vérifier).
Installée dans un premier temps dans le Périgord, puis au Maroc,
Joséphine BAKER connut des ennuis de santé en 1941 et 1942, échappant de
peu à la mort. Elle réussit à sortir de son lit d'hôpital pour assister
à l'arrivée des troupes américaines, basées en Afrique du Nord pour
préparer l'assaut sur l'Europe du Sud. De nouveau sur pied, Joséphine
BAKER repritson métier avec une ferveur nouvelle, donnant régulièrement
des spectacles pour les soldats Alliés, Etats-Uniens, Britanniques et
Français. Ses tournées la menèrent jusqu'en Egypte et plus loin au Liban
et en Syrie, aux côtés des troupes de la France Libre.
En reconnaissance de sa contribution artistique à l'effort de guerre,
Joséphine BAKER fut nommée Sous-Lieutenant féminin au sein de l'Armée de
l'Air, le Général de Gaulle, basé à Alger, lui offrant une petite croix
de Lorraine en or. Après la fin des hostilités, de retour sur Paris
(elle descendit les Champs Elysées en uniforme, entourée par la presse,
elle fut décorée de la Légion d'Honneur et de la Médaille de la
Résistance.
Pour tout l'amour du monde
Divorcée en 1940, Joséphine BAKER épousa en 1947 le chef d'orchestre Jo
BOUILLON, avec qui elle adopta douze orphelins au cours de ses tournées
internationales. Ayant subi un hystérectomie en 1941, Joséphine BAKER,
incapable de porter un enfant, avait formé le projet d'une "Tribu
Arc-En-Ciel" hébergée dans le Château des Milandes, construit au XVème
siècle dans le Périgord Noir
(http://www.bwabrile.net/www.milandes.com)>Elle acquit par la suite
l'ensemble du village des Milandes, qu'elle repeupla et électrifia à ses
frais, en espérant créer une attraction touristique.
Au cours de ses tournées, elle adopta 10 garçons et deux filles de races
et origines différentes, afin de prouver au monde que son rêve
d'harmonie était possible.
De retour aux Etats-Unis en 1951, Joséphine BAKER fut brutalement
confrontée à la ségrégation raciale quand le personnel du fameux Stork
Club de New York refusa de la servir. Interpellant l'éditorialiste
Walter WINCHELL, qui était présent lors de l'esclandre, elle se fit un
ennemi de plus : ce dernier, partisan notoire de la ségrégation raciale,
n'hésita pas à lui attribuer des sympathies communistes, en pleine
période du McCarthysme.
Les démélés politiques de Joséphine BAKER ne l'empêcha pas de s'engager
significativement aux côtés du Mouvement des Droits Civiques. Sa
renommée étant établie, elle refusa de se produire dans des salles
pratiquant la ségrégation raciale, ouvrant ainsi les salles de Las Vegas
au public afro-américain. Joséphine BAKER prit notamment la parole aux
côtés de Martin Luther KING Jr, lors de la Marche sur Washington de
1963.
Les déboires...
Les démêlés financiers de Joséphine BAKER dans les années suivantes
conduisirent à la vente de son château en 1969. L'aventure de la "Tribu
Arc-En-Ciel" se serait terminée là sans l'aide de Grace KELLY, une autre
artiste américaine exilée en Europe, qui lui proposa un logement pour sa
famille.
... et le come back d'une battante
A plus de soixante ans, exhibant encore les jambes sculpturales qui
avaient fait sa renommée, Joséphine BAKER donna une dernière chance au
public états-unien. Son spectacle au Carnegie Hall de New York, en 1973,
commença par une standing ovation, avant la première note de musique.
Les humiliations d'avant-guerre et les tracasseries de l' ere du
McCarthysme étaient oubliées.
Un des costumes du spectacle de Bobino (1975) - 16.5 ko
Un des costumes du spectacle
de Bobino (1975)
Le 8 Avril 1975, Joséphine BAKER célébra ses 50 ans de carrière
parisienne par un spectacle à Bobino, mêlant tous ses succès dans un
tourbillon de musique, de danse et de glamour. Victime d'une hémorragie
cérébrale quatre jours plus tard, elle décéda dans son sommeil.
20 000 parisiens lui rendirent hommage dans les rues de la capitale,
avant qu'elle ne soit enterrée, avec les honneurs militaires, dans le
cimetière de Monaco.
© Bwabrilé, 31 juillet 2005.
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