Des Zèbres et de leurs rayures
Mis en ligne le 14 juillet 2005.
1882 : Drôle de Zèbre...
Le Zèbre de GREVY (Equus grevyi), avec ses 1,60 mètre au garrot, est la
plus grande des espèces de Zèbres. Le plus amusant est que cet animal
qui habite les savanes de l'Est africain n'a été décrit par les
scientifiques occidentaux... qu'en 1882, alors que plusieurs témoignages
et représentations artistiques de l'animal existaient depuis des
siècles !
L'histoire commence par un cadeau du Négus d'Ethiopie, MENELIK, au
Président de la République française, Jules GREVY. Pour sceller une
amitié franco-éthiopienne qui remonte au XVIIème siècle, l'Empereur
offre au Président français un Zèbre.
Les échanges franco-éthiopiens à la fin du XIXème siècle tournaient
surtout autour d'un lucratif chantier de chemin de fer reliant la
capitale éthiopienne à la Mer Rouge, mais concernaient aussi la
fourniture de fusils pour équiper l'armée éthiopienne, qui remporta
ainsi en 1896 la décisive Bataille d'ADOUA contre les forces
impérialistes italiennes.
Le Président GREVY et le Négus MENELIKLes petits cadeaux entretiennent
l'amitié - 19.4 ko
Le Président GREVY et le Négus MENELIK
Les petits cadeaux entretiennent l'amitié
Après des péripéties rappelant sans doute celles de l'éléphant offert à
Charlemagne par Haroun Al Rachid, ou celles de la girafe de Louis XIV
(encore que le chemin de fer de Marseille à Paris lui évite de faire la
route à sabots, come la girafe de Louis XIV), l'animal arrive à la
Ménagerie du Jardin des Plantes en 1882.
Le voyage s'étant avéré éprouvant pour le pauvre animal, celui-ci décède
quelques jours après son arrivée. C'est lors des opérations de
taxidermie (ce qui reste de l'animal peut encore être vu dans la Galerie
de l'Evolution du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris) que l'on se
rendit compte que ses rayures différaient de celles des Zèbres connus
jusqu'alors. Le zoologiste OUSTALET le déclara donc ce drôle de Zèbre
comme nouvelle espèce, et le nomma Equus Grevyi en l'honneur du
Président à qui il avait été offert.
Des rayures caractéristiques
Le Zèbre de Grévy à son arrivée à Paris - 36.4 ko
Le Zèbre de Grévy à son arrivée à Paris
Les Africains disent du Zèbre qu'il s'agit d'un animal noir avec des
rayures blanches, tandis que les européens, dans leurs encyclopédies,
disent qu'il s'agit d'un animal blanc... avec des rayures noires. Chez
le Zèbre de GREVY, le trait le plus frappant est la finesse
caractéristique de ces rayures caractéristiques, de la largeur du doigt,
alors qu'elles sont de la largeur de la main chez les autres espèces.
Ces fines rayures avaient d'ailleurs été décrites au XVIIème siècle par
Jean THEVENOT, un voyageur français qui se trouvait au Caire en 1656 et
assista à l'arrivée d'un ambassadeur éthiopien auprès du souverain
local. Dans la suite du diplomate, un "âne" portant de fines rayures
fait sensation. Comme quoi les Ethiopiens avaient de longue date
l'habitude d'offrir des Zèbres aux gouvernements amis (quoique qu'aucune
mention de Zèbre ne figure dans la Bible quand la Reine de Saba rendit
visite à Salomon !)
Pourquoi le Zèbre est-il rayé ?
Trois hypothèses sont avancées par les scientifiques. De la moins
crédible à la plus sérieuse :
1 - Les rayures servent de "carte d'identité" et permettent aux petits
Zèbre de reconnaitre l'arrière-train de leur mère. Les rayures serait
une sorte de "code barre" avant la lettre. D'autres animaux se servent
de leur odorat pour s'identifier les uns les autres, ce qui inclut les
autres équidés sauvages (hémiones, chevaux, ânes) qui ne portent pas de
rayures.
2 - 10% de la population de Zèbre mourant chaque année sous la griffe
des prédateurs de la savane (lions, léopards, lycaons...), les rayures
auraient pour rôle de créer la confusion chez les prédateurs lors de la
fuite du troupeau. Imaginons un lion affamé fonçant sur un troupeau de
croupes mouvantes portant des rayures. En plein soleil, sur un estomac
vide, l'effet psychédélique doit couper l'appétit ! Cependant, vu leur
régime alimentaire à base de Zèbres, les lions semblent avoir l'estomac
bien accroché...
3 - Il apparait que les Zèbres sont surtout rayés dans les régions
d'Afrique où sévit la Mouche Tsé-Tsé, ou glossine, un insecte
hématophage (qui suce le sang de ses victimes) qui transmet par piqûre
le trypanosome, parasite causant la fameuse Maladie du Sommeil (mortelle
pour les Zèbres d'une part à cause de la présence de prédateurs, et
d'autre part parce que l'organisme est attaqué par les trypanosomes).
Glossine(Source : www.asnom.org) - 7.9 ko
Glossine
(Source : http://www.asnom.org/)
En 1970, un chercheur installé au Zimbabwe installa pièges á mouches
dans des bidons montés sur roulettes, qu'il promena dans la savane. A la
fin de l'expérience, les bidons peints en noir avaient attiré 48 mouches
tsé-tsé, contre 46 pour les bidons peints en blanc et ... seulement 23
mouches pour les bidons peints de rayures noires et blanches !
L'expérience fut reprise en 1981 avec les mêmes résultats, prouvant que
les rayures horizontales (comme sur l'arrière-train des Zèbres)
repoussaient le plus les mouches.
La question serait de savoir pourquoi seuls les Zèbres portent des
rayures en Afrique. En fait les Equidés sont les derniers arrivés de la
faune africaine. Ils ne sont présents sur le continent africain, selon
les restes fossiles, que depuis l'Ere Quaternaire (commencée il y a 1,8
million d'années), alors que les buffles et antilopes sont arrivés
pendant l'Ere Tertiaire (commencée il y a 65 millions d'années et
terminée au début de l'ère Quaternaire), et ont donc eu plusieurs
millions d'années pour évoluer et développer leurs propres défenses
contre les maladies apportées par les mouches tsé-tsé.
L'hypothèse se confirme dans les régions d'Afrique où ne sévit pas la
mouche tsé-tsé : Jusqu'au XIXème siècle vivait, dans la région du Cap,
une espèce de Zèbre dont le corps ne portait que peu de rayures : Le
Zèbre Quagga, qui fut massacré jusqu'au dernier.
Zèbre Quagga, éteint en 1883 - 16.4 ko
Zèbre Quagga, éteint en 1883
Parce que l'absence de la mouche tsé-tsé ne rendait pas nécessaire la
présence de rayures, ce caractère génétique s'estompa au fil des
générations, pour donner l'espèce des Quaggas. Récemment, des
scientifiques, grâce à des test ADN réalisés sur les tissus de spécimens
conservés dans les musées, ont découvert que les Quaggas n'étaient
qu'une variante régionale de l'espèce des Zèbres des (Equus Bruchelli).
Selon l'analyse génétique, la sous-espèce des Quaggas aurait été une
population séparée de son groupe originel il y a 120 000 à 290 000 ans,
une période suffisamment longue pour que, en l'absence des mouches
tsé-tsé, la robe des animaux évolue en perdant ses bandes noires (sur
fond brun chez le Quagga).
Selon certaina chercheurs, dont les programmes sont controversés, il se
pourrait que de "vrais" Quaggas renaîssent bientôt, suite à des
croisements planifiés entre animaux présentant des rayures atténuées.
Reproduire en quelaue décennies ce que la Nature avait réalisé en 1000 à
3000 siècles ne serait-il pas un phantasme issu de la culpabilité des
hommes, qui ont conduit cet animal à son extinction ?
Zèbres de PlaineAnciennement Equus Bruchelli, il est maintenant appelé
Equus Quagga - 24.2 ko
Zèbres de Plaine
Anciennement Equus Bruchelli, il est maintenant appelé Equus Quagga
L'hypothèse du rôle répulsif des rayures des Zèbres se confirme aussi au
Nord, dans une région dont la mouche tsé-tsé est absente : les Equidés
locaux, les Anes sauvages d'Afrique, ne portent de rayures que sur les
pattes, alors que leur corps est uniformément gris.
Ane de Somalie Noter les rayures sur les pattes - 18.7 ko
Ane de Somalie
Noter les rayures sur les pattes
Rayures et Cartes géopolitiques
Certains universitaires ont été jusqu'à établir un lien entre les
rayures des Zèbres... et la progression de l'Islam en Afrique
sub-saharienne. Les incursions arabes et les guerres de conquêtes des
peuples africains islamisés (Peuls, Malinkés, etc.) se caractérisaient
par un usage intensif des chevaux, les cavaliers ayant un avantage
(vitesse, manœuvre) sur les infanteries locales.
Cet avantage, qui explique la conquête de royaumes animistes comme celui
des Bambaras au Mali (voir le roman Ségou, les murailles de terre, de
Maryse CONDE), disparu complètement dans les régions infestées de
mouches tsé-tsé, les chevaux des groupes musulmans tombant malades et
mourant trop vite pour être remplacés.
Aires d'extension respectives de l'Islam et de la Mouche Tsé-Tsé -
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Aires d'extension respectives
de l'Islam et de la Mouche Tsé-Tsé
Ces régions où s'est arrêtée l'expansion musulmane sont également
caractérisées par la présence de populations de Zèbres aux rayures
protectrices. L'extension de l'Islam en Afrique du VIIIème au XIXème
siècle a donc butté donc sur le gardien presque invisible de la savane :
la Mouche Tsé-Tsé.
© Bwabrilé, 14 juillet 2005.
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