Cooperation Régionale - Introduction

INTRODUCTION

Dlo k gaspiye a Paris

Fè m pi swak jouk sou Granri

Manje k jete nan lanmè

Fè kòd trip mwen wè lanfè

Planèt la s on kalbas

Frajil pas on vè glas

Beethova OBAS

"Planèt La" - 1999

Dans le contexte international actuel, caractérisé par un phénomène de globalisation des flux financiers, des marchés et des réseaux de communication, la Caraïbe se retrouve à la fois en terrain familier, et confrontée à des défis sans précédents. La globalisation constitue un cadre familier parce qu'à travers une histoire contemporaine douloureuse et baroque, les pays de la Caraïbe sont issus des confluences tumultueuses et conflictuelles des Amériques, de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie.

Mais dans le même temps, ce phénomène constitue un défi sans précédent, en ce qu'il risque de conduire à une formidable accélération des schémas d'extraversion qui caractérisent les pays de la région depuis cinq siècles. Ce danger doit être pris très au sérieux dans la mesure où le sous-développement doit moins être analysé comme un retard que comme la résultante d'un système d'échanges inégaux, instaurés et perpétués au bénéfice des pays industrialisés.

Dans ce contexte, la construction de nouveaux réseaux internationaux, permettant des échanges plus équilibrés, est de longue date l'objectif ambitieux que se sont fixés les pays de la Caraïbe, tant à travers leurs processus d'intégration régionale (CARICOM, OECS, AEC) que par l'établissement de nouvelles modalités de coopération avec les pays industrialisés (Conventions de Lomé, Caribbean Basin Initiative…). Les politiques d'intégration régionale, en particulier, sont le résultat d'un consensus sur l'idée que l'établissement de partenariats solidaires constitue la seule réponse possible, quand l'atomisation et l'étroitesse des marchés insulaires et la faiblesse des ressources des institutions locales ne permettent pas d'envisager de manière isolée la résolution de problèmes économiques, sociaux et culturels d'une acuité croissante.

Dans le cadre de leurs relations internationales, les Etats caribéens ont naturellement établi des relations privilégiés avec l'Europe, plusieurs pays européens ayant avec eux des liens remontant à la période coloniale. Les Conventions de Lomé sont le meilleur exemple de coopération entre deux institutions d'intégration régionale, tandis que des conventions bilatérales ont été établies au gré des affinités particulières. Dans ce contexte s'est développée dans la Caraïbe une conscience aiguë de l'existence de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, comme partenaires potentiels à la fois proches et bénéficiant de relations privilégiées avec la France et l'Union Européenne.

Alors que les Départements Français des Amériques vivent de façon paradoxale et souvent conflictuelle leur double appartenance à l'espace géographique et culturel caribéen d'une part, et au système politique et économique européen d'autre part, leurs voisins voient dans cette situation d'interface des potentialités qu'ils souhaiteraient explorer avec eux.

Ce rapport se fixe pour objectif de rechercher des moyens concrets de valoriser la position d'interface de la Martinique, à travers des dispositifs réalisant une synthèse dynamique de son identité caribéenne et de son appartenance européenne. Sa principale conclusion est que c'est en combinant ces deux atouts, dans le cadre d'une politique de Coopération Régionale axée sur le développement de la Caraïbe, que la Martinique pourra apporter des éléments de réponse à ses propres problèmes économiques et sociaux.

Fruit d'une série d'entretiens réalisées pour l'essentiel en Martinique et en Haïti, et de l'exploitation de ressources documentaires diverses (voir en Annexe), le présent rapport ne vise pas à l'exhaustivité sur le thème de la Coopération Régionale de la Martinique. Si le temps et les moyens réduits qui ont pu être consacrés à son élaboration expliquent en partie son caractère limité, la raison principale en est le choix qui a été fait de se focaliser sur le développement des actions de coopération de terrain. En ce qui concerne les aspects institutionnels, qui ne sont ici que rapidement abordés, le rapport LISE-TAMAYA et ses conclusions font actuellement l'objet d'un débat intense, au niveau des institutions et des entités politiques tant locales que nationales.

Le présent rapport se limite donc pour l'essentiel à proposer la création d'un dispositif dédié au développement opérationnel de la Coopération Régionale martiniquaise. L'objectif essentiel de cette Agence serait l'encadrement de jeunes Martiniquaises et Martiniquais impliqués dans les projets de développement institutionnel, économique et socioculturel, aux côtés des populations de la Caraïbe. Les modes opératoires et la philosophie de cette structure sont regroupés sous le vocable de Coopération Solidaire.

L'Agence de Coopération Martiniquaise sera amenée à faciliter les actions de coopération des diverses institutions, entreprises et organisations civiles martiniquaises. Par leur disponibilité, leur dynamisme, leur compétence et leurs facultés d'adaptation, les jeunes Martiniquaises et Martiniquais s'imposent comme des atouts déterminants pour la réalisation d'un tel objectif : l'insertion de la Martinique dans son espace naturel.

Construire, avec les Caribéens, une Caraïbe plus équilibrée, plus dynamique et plus prospère. Un formidable défi pour la jeunesse martiniquaise, à l'heure où commence un nouveau millénaire !

Alfred LARGANGE

Fort-de-France, Martinique - Septembre 1999

      A la mémoire de Frédéric ANCÈLE

    • L'objectif de ce projet est de développer, par le biais d'une structure pérenne disposant de plusieurs implantations dans la région, des réseaux durables à finalités économique, sociale et culturelle. Il rejoint en cela le projet "WEB INDIES", qui visait à relier, par le biais d'Internet, l'ensemble des acteurs institutionnels, économiques, sociaux et culturels de la Martinique et, au delà, de la région Caraïbe.

      La disparition inattendue de Frédéric ANCÈLE, promoteur de "WEB INDIES", a mis un terme brutal à des échanges qui enrichissaient les deux projets, relevant de la même logique d'ouverture et de partage.

      La dédicace du présent rapport se veut un hommage à sa vision, à sa générosité, à son intelligence et à son dynamisme.

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