Aimé CESAIRE

Aimé CESAIRE
Mis en ligne le 7 juin 2004.

Une enfance à Basse-Pointe

Aimé Césaire est né le 26 juin 1913 au sein d'une famille nombreuse de
Basse Pointe, commune du Nord-Est de la Martinique, bordée par l'océan
Atlantique dont la « lèche hystérique » viendra plus tard rythmer ses
poèmes. Le père est un petit fonctionnaire, la mère est couturière.

Rencontre avec SENGHOR...

Aimé Césaire, élève brillant du Lycée Schœlcher de Fort-de-France,
poursuit ses études secondaires en tant que boursier du gouvernement
français au Lycée Louis Le Grand, à Paris. C'est dans les couloirs de ce
grand lycée parisien que, dès son arrivée, le jeune Césaire rencontre
Léopold Sédar Senghor, son aîné de quelques années, qui le prend sous
son aile protectrice.

... et développement d'une conscience africaine

Au contact des jeunes Africains étudiants à Paris, Aimé Césaire et son
ami guyanais Léon Gontran Damas, qu'il connaît depuis le Lycée
Schœlcher, découvrent progressivement une part refoulée de l'identité
martiniquaise, la composante africaine dont ils prennent progressivement
conscience au fur et à mesure qu'émerge une conscience forte de la
situation coloniale. En septembre 1934, Césaire fonde, avec d'autres
étudiants antillo-guyanais et africains (Léon Gontran Damas, les
sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop), le journal L'Étudiant
noir. C'est dans les pages de cette revue qu'apparaîtra pour la première
fois le terme de « Négritude ». Ce concept, forgé par Aimé Césaire en
réaction à l'oppression culturelle du système colonial français, vise à
rejeter d'une part le projet français d'assimilation culturelle et
d'autre part la dévalorisation de l'Afrique et de sa culture, des
références que le jeune auteur et ses camarades mettent à l'honneur.
Construit contre le projet colonial français, le projet de la négritude
est plus culturel que politique. Il s'agit, au delà d'une vision
partisane et raciale du monde, d'un humanisme actif et concret, à
destination des tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en
effet : « Je suis de la race de ceux qu'on opprime ».

Admis à l'École Normale Supérieure en 1935, Césaire commence en 1936 la
rédaction de son chef d'oeuvre, le Cahier d'un Retour au Pays Natal.
Marié en 1937 à une étudiante martiniquaise, Suzanne Roussi, Aimé
Césaire, Agrégé de Lettres, rentre en Martinique en 1939, pour
enseigner, tout comme son épouse, au Lycée Schœlcher.

L'aventure de la revue TROPIQUES

En réaction contre le statu quo culturel martiniquais, le couple
Césaire, épaulé par René Ménil et Aristide Maugée, fonde en 1941 la
Revue Tropiques, dont le projet est la réappropriation par les
Martiniquais de leur patrimoine culturel. La Seconde Guerre Mondiale se
traduit pour la Martinique par un blocus qui coupe l'approvisionnement
de l'île par la France. En plus d'un situation économique très
difficile, l'envoyé du gouvernement de Vichy, l'Amiral Robert, instaure
un régime répressif, dont la censure vise directement la revue
Tropiques. Celle-ci paraîtra, avec difficulté, jusqu'en 1943.

La guerre marque aussi le passage en Martinique d'André Breton. Le
maître du surréalisme découvre avec stupéfaction la poésie de Césaire et
le rencontre en 1941. En 1944, Breton rédigera la préface du recueil Les
Armes Miraculeuses, qui marque le ralliement de Césaire au surréalisme.

Le séjour haïtien

Invité à Port-au-Prince par le docteur Mabille, attaché culturel de
l'ambassade de France, Aimé Césaire passera six mois en Haïti, donnant
une série de conférences dont le retentissement sur les milieux
intellectuels haïtiens est formidable. Ce séjour haïtien aura une forte
empreinte sur l'œuvre d'Aimé Césaire, qui écrira un essai historique sur
Toussaint Louverture et consacrera une pièce de théâtre au roi Henri
Christophe, héros de l'indépendance.

Le début de la carrière politique

Alors que son engagement littéraire et culturel constituent le centre de
sa vie, Aimé Césaire est happé par la politique dès son retour en
Martinique. Pressé par les élites communistes, à la recherche d'une
figure incarnant le renouveau politique après les années sombres de
l'Amiral Robert, Césaire est élu maire de Fort-de-France, la capitale de
la Martinique, en 1945, à 32 ans. L'année suivant, il est élu député de
la Martinique à l'Assemblée Nationale.

Le député Césaire sera, en 1946, le rapporteur de la loi faisant des
colonies de Guadeloupe, Guyane Française, Martinique et la Réunion, des
Départements Français. Ce changement de statut correspond à une demande
forte du corps social, souhaitant accéder aux moyens d'une promotion
sociale et économique. Conscient du rôle de la départementalisation
comme réparation des dégâts de la colonisation, Aimé Césaire est tout
aussi conscient du danger d'aliénation culturelle qui menace les
martiniquais. La préservation et le développement de la culture
martiniquaise seront dès lors ses priorités.

Partageant sa vie entre Fort-de-France et Paris, Césaire fonde, dans la
capitale française, la Revue Présence Africaine, aux côtés du sénégalais
Alioune Diop, et des guadeloupéens Paul Niger et Guy Tirolien. Cette
revue deviendra ensuite une maison d'édition qui publiera plus tard,
entre autres, les travaux de l'égyptologue Cheikh Anta Diop, et les
romans et nouvelles de Joseph Zobel.

En 1950, c'est dans la revue Présence Africaine que sera publié pour la
première fois le Discours sur le colonialisme, charge virulente et
analyse implacable de l'idéologie colonialiste européenne, que Césaire
compare avec audace au nazisme auquel l'Europe vient d'échapper. Les
grands penseurs et hommes politiques français sont convoqués dans ce
texte par l'auteur qui met à nue les origines du racisme et du
colonialisme européen.

Peu enclin au compromis, Aimé Césaire, révolté par la position du Parti
Communiste Français face à l'invasion soviétique de la Hongrie en 1956,
publie une Lettre à Maurice Thorez pour expliquer les raisons de son
départ du Parti. En mars 1958, il crée le Parti Progressiste
Martiniquais (PPM), qui a pour ambition d'instaurer « un type de
communisme martiniquais plus résolu et plus responsable dans la pensée
et dans l'action ». Le mot d'ordre d'autonomie de la Martinique est
situé au cœur du discours du PPM.

Une oeuvre obsédée par le problème colonial

Parallèlement à une activité politique continue (il conservera son
mandat de député pendant 48 ans, et sera maire de Fort-de-France pendant
56 ans), Aimé Césaire continue son œuvre littéraire et publie plusieurs
recueils de poésie, toujours marqués au coin du surréalisme (Soleil Cou
Coupé en 1948, Corps Perdu en 1950, Ferrements en 1960). À partir de
1956, il s'oriente vers le théâtre. Avec Et les Chiens se taisaient,
texte fort, réputé impossible à mettre en scène, il explore les drames
de la lutte de décolonisation autour du personnage du Rebelle, esclave
qui tue son maître puis tombe victime de la trahison. La Tragédie du Roi
Christophe (1963), qui connaît un grand succès dans les capitales
européennes, est l'occasion pour lui de revenir à l'expérience
haïtienne, en mettant en scène les contradiction et les impasses
auxquels sont confrontés les pays décolonisés et leurs dirigeants.
Césaire aurait hésité entre deux personnages de l'épopée haïtienne,
Dessalines et Christophe, le second se prétent finalement mieux à une
création littéraire. Une saison au Congo (1966) met en scène la tragédie
de Patrice Lumumba, père de l'indépendance du Congo Belge. Une tempête
(1969), inspiré de Shakespeare, explore les catégories de l'identité
raciale et les schémas de l'aliénation coloniale. Pensant à l'origine
situer l'action de cette adaptation de Shakespeare aux États-Unis, il
choisit finalement les Antilles, gardant tout de même le projet de
refléter l'expérience noire aux Amériques.

Au total Césaire à publié plus de quatorze œuvres, recueils des poésies,
pièces de théâtre et essais. De nombreux colloques et conférences
internationales ont été organisés sur son œuvre littéraire qui est
universellement connue. Son œuvre a été traduite dans de nombreuses
langues : anglais, espagnole, allemand et cetera.
Cet article a été rédigé pour le site d'Iles en Iles, de Thomas C.SPEAR.
L'aide d'Eric CABERIA, webmestre du site Cesaire.org a également été
précieuse.

© Bwabrilé, 7 juin 2004.

Aucun commentaire: